30 10 2025
Ferocious predator,
still offering the best of yourself — peace.
29 10 2025
Nos yeux se renvoient la lumière
Et la lumière le silence
A ne pas savoir se reconnaître
A survivre à l’absence.
Our eyes reflect each other’s light
And light is reflected by silence
Until we no longer recognize each other
Surviving absence.
Paul Eluard (1895-1952), L’amour la poésie XXI
28 10 2025
Cette infime lueur de l’écriture,
comme un rai de lumière sous la porte,
est-ce cela ce que certains appellent “Dieu”?
This faint light of writing,
like a ray slipping beneath the door,
is that what some call “God”?
27 10 2025
I’m anxious for two
and have no tea at all.
+++
“Il faudrait laisser des livres partout. A un moment ou un autre quelqu’un les ouvrira sans doute. Et faire de même avec la poésie : laisser des poèmes partout, puisque quelqu’un les reconnaîtra sûrement un jour. “
“La poésie, c’est la sincérité avec laquelle parle en nous ce que l’on ne connaît pas. Unique voie véridique de ce qui cimente notre ignorance.”
“We should leave books everywhere. At some point, someone will probably open them. And we should do the same with poetry: leave poems everywhere, since someone will surely recognize them one day.”
“Poetry is the sincerity with which what we do not know speaks within us. The only truthful path to what cements our ignorance.”
Roberto Juarroz, Fragments verticaux, Corti, 1993
26 10 2025
Puits
on
croît
qu'on
chute
tout
seul
tout
droit
au
f…
… non
on comprend
qu'il s'agissait là
d'un devoir de profondeur
et que beaucoup y ont laissé
des indices des repères des livres
et pourquoi se priver de ces illuminations
et de tous ces poèmes et de ces chuteurs professionnels
alors on fait son devoir avec la dévotion d'un bon élève sans penser
à descendre à monter on reprend son enfance là où on l'avait laissée on souffle
et l'on se dit qu'il n'est jamais trop tard vraiment pour mettre un pied devant l'autre.
ENG :
Pit
you
think
you
fall
alone
straight
down
into
a p…
then no
you know
it’s a duty
to go deep
for many
there
have left
clues
guideposts
lamps
and why
deny yourself
all these illuminations
all these expert fallers?
so
you fall
you do
your class
homework
with the devotion
of a good student
not thinking
of rising
or falling
picking up
childhood
where it
was
left
off
for it
is never
too late
to put
one
foot
in front
of
the
other.
+++
懶人歌
白居易 (772-846)
有官慵不選,
有田慵不農;
屋穿慵不葺,
衣裂慵不縫。
有酒慵不酌,
無異樽長空;
有琴慵不彈,
亦與無弦同。
家人告飯盡,
欲炊慵不舂;
親朋寄書至,
欲讀慵開封。
常聞嵇叔夜,
一生在慵中;
彈琴復鍛鐵,
比我未為慵。
The Lazy man’s song
Having an office, I'm too lazy to fill it.
Having land, I'm too lazy to farm it.
My house is leaking, I'm too lazy to repair it.
My clothes worn out, I'm too lazy to darn it.
I'm even too lazy to drink the wine in the cup;
It is the same as if it were empty.
I'm too lazy to play the lute;
It is the same as if it had no strings.
When my folks tell me we have no more rice,
I'm too lazy to grind the grains for cooking.
When letters from relatives and friends arrive,
I'm too lazy to open them.
I have often heard it said that Hsi Shu-yeh
Passed his whole life and complete idleness.
Yet even he played his lute and worked at his forge.
He does not match me in supine laziness!
Translation : John C.H. WU
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25 10 2025
je chantais je geignais je criais j’explorais toutes les vibrations et résonances de mon corps de l’espace du temps de mon cerveau qui marchait à mille ca respirait à plein je voyais la porte grande ouverte sur le jardin juste derrière les spectateurs la porte qui donnait sur les fenêtres de la librairie Kuo Astral 郭怡美 dans l’obscurité pluvieuse là-bas parce qu’elle a fini par s’éteindre parce que tu n’y étais pas qu’il était huit heures du soir passé que tu n’étais nulle part non plus dans ce vieux faux vrai jardin colonial lugubre et moi qui vidais ma belle machine de coeur pour ces gens de valeur certes qui le valaient bien avec leurs applaudissements leurs silences religieux leurs flammes vives dans les yeux et pourtant qui ne faisaient que traverser mon panier percé de coeur et qui s’en retourneraient dans leurs lits douillets quelqu’il en soit avec leurs petites affaires leurs petits leurs grands problèmes leurs joies aussi peut-être parce que pour le coup j’étais complètement abandonné et je ne l’avais pas prévu je pensais que j’étais fort tu parles maintenant je suis à plat sur le tatamis de ma chambre et je peux pas vraiment rester debout mais au moins je suis vivant ça respire au milieu de la nuit j’espère que l’autre porte celle des rêves sera plus accueillante - que celle du jardin de ce soir - en general ça và ils ne me rejettent pas les rêves ils me font plutôt un bon sort j’y lis plein de choses une superbe librairie toute illuminée ouverte que c’est 24 heures sur 24 là même quand tu n’y es pas et plein de livres en stock que je n’ai qu’à piocher dedans et j’en ouvre un et puis là un autre et je comprends que je n’ai pas fait complètement n’importe quoi de ma vie que ce n’est pas 100% illogique que même sans la joie çà sert à çà les rêves mais quand même la joie qu’est-ce que ca vaut sans la joie quand l’alignement improbable entre deux êtres çà ne mène à rien quand tout sombre çà rime à quoi qu’est-ce que çà vaut d’attendre je n’aime pas les files d’attente moi je suis pas taïwanais sur ce plan là je n’aime pas faire la queue et si l’amour çà pouvait marcher aussi bien que chanter et faire plaisir aux gens
ENG :
I was moaning
I was crying out
I was exploring
all the vibrations and resonances
of my body
of space
of time
of my brain
running at a thousand
it was breathing wide open
I could see
the door flung open to the garden
just behind the spectators
the door leading
to the windows of the Kuo Astral bookstore
郭怡美
out there
in the rainy darkness
because it had finally gone dark
because you weren’t there
because it was past eight in the evening
and you were nowhere
nowhere at all
not even in that old fake true colonial garden
so gloomy
and there I was
emptying my beautiful heart-machine
for those people of worth
yes
they deserved it
with their applause
their reverent silences
their bright flames in their eyes
that still only passed through
the sieve of my pierced heart
before going back
to their soft beds no doubt
with their little affairs
their small and large troubles
their joys too maybe
and this time
I was completely abandoned
I hadn’t seen it coming
I thought I was strong
sure
but now I’m flat on the tatami
in the room
and I can’t really stand up
but at least
I’m alive
it breathes
in the middle of the night
I hope
the other door
the one of dreams
will be more welcoming
than the garden door tonight
usually it’s fine
they don’t reject me
dreams
they treat me kindly
I read so many things there
a bookstore all lit up
open twenty-four hours a day
always there
when you are not
and there
shelves full of books
I can reach into
I open one
then another
and they make me understand
that I haven’t done everything wrong
that my life isn’t completely senseless
that even without joy
that’s what dreams are for
but still
joy
what is anything worth
without joy
when the improbable alignment
between two beings
leads nowhere
when it only makes everything collapse
what’s the point
what’s it worth to wait
I don’t like waiting lines
I’m not Taiwanese that way
I don’t like queues
if only love
could move as fast
as giving pleasure
through song
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23 10 2025
tout ce qui vit ne doit être vu
tout ce qui surgit ne doit être tu
l'oiseau rentre dans sa tanière
et le chat mire vers le ciel
qui l'eût cru?
qui l'eût prévu?
les arbres pensent
et poussent.
ENG:
Everything that is lived
need not be seen
Everything that arises
need not be silenced
The bird retreats into its lair
And the cat gazes toward the sky
Who would have believed it?
Who would have foreseen it?
The trees think
and grow. 
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22 10 2025
trop
trop peu
trop
trop peu :
trop peu de mots.
Mais cela suffisait
pour que le monde s’éclaire.
trop peu
trop
trop peu
trop :
trop de secrets
pour que le vent ne souffle,
dur,
âpre.
Mais le monde est beau;
et le monde passe.
Tu as tracé un cœur
qui n'est ni trop,
ni trop peu.
ENG :
Too much — too little — too much — too little?
Too few words,
but enough
for the world to shine.
Too little — too much — too little — too much?
Too many secrets
for the wind not to blow —
harsh, rough.
But the world is beautiful,
and the world passes away.
You have traced a heart
that is neither too much
nor too little.
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“Quelque chose s’aligne soudain entre deux choses qui n’ont jamais eu de rapport.
Et ce lien imprévisible illumine tout le reste.”
「某種東西突然在兩個從未有過關聯的事物之間對齊,而這條出乎意料的連結照亮了其他的一切。」
Roberto Juarroz, Poesía Vertical ?
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22 10 2025
anniversaire
jamais aussi centré
jamais aussi crucifié
on se pense victime
mais on ne fait qu'entrouvrir l'outrenoir du monde :
ouvroir de paix
ouvroir de souffrance
ouvroir de bonté
ouvroir de douceur
ENG :
day of birth
never so centered
never so crucified
you think yourself victim
but you only half-open
the beyond-black* of the world:
a workshop of peace
a workshop of suffering
a workshop of kindness
a workshop of tenderness.
“beyond black” is the litteral translation of “outrenoir” (outre = beyond, noir = black). “Outrenoir” is a term invented by the French painter Pierre Soulages (1919-2022) to describe a radical way of painting with black: it is not the absence of light, but rather a medium that reveals light through texture and reflection.
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12 10 2025
Comme s'il ne suffisait de jeter son histoire à la face d'une main, d'une bouche ou que sais-je, surgit une chanson qui trottine dans ma tête…Ding ding ding: est-ce la dame qui fuit, montant dans sa calèche, en laissant son mouchoir, qu'il ne soit ramassé…
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12 07 2025
Taïwan m'a donné. Taïwan m'a fait.
Mais je n'ose en parler.
C'est comme une mère d'accueil que l'on cache,
une présence aimante que l'on garde pour soi.
Une femme multiple, adulée parfois,
sur laquelle s'abstenir de paroles déplacées.
Taïwan nourricière, que t'ai-je donné?
N'ai-je été qu'un enfant bercé par les rêves, cajolé par de belles histoires?
Dans la nuit, on grandit, grandit...
et le matin : les yeux grand ouverts!
ENGLISH :
Taiwan gave to me. Taiwan shaped me.
But I dare not speak of it.
She is like a foster mother kept hidden,
a loving presence we keep to ourselves.
A woman of many faces, sometimes adored,
about whom no misplaced words should be spoken.
Nurturing Taiwan, what have I given you?
Was I nothing more than a child lulled by dreams,
cradled by beautiful stories?
In the night, we grow, grow...
and come morning: eyes wide open!
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2001-2025
Apprivoisant ces mots, m'y laissant paître et repaître, sillonné, profond, invisible, de dessous la terre, des racines y poussant peut-être, on ne sait jamais. Est-ce racine? Est-ce à venir? Pourquoi attendre le germe : la moisson n'est-elle toute prête? Regarde ces jours médiocres, tu as oublié ces heures ridées à éclaircir, tu n'as besoin d'espoir à bouffer encore; ces mots, des mains que tu n'as besoin d'ouvrir, de tendre; misérables ces mains attendant que çà vienne!
N'attend pas. Tu sens ton corps entier se tendre, les veines multiples se tordre; les souvenirs se creusent, les pensées disparaissent.
Tressaille. Peu de choses enfin.
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01 07 2025
quelque part
près de la lune
à l'embranchement des deux rivières
il est un lieu pour les amants échus
ceux qui se cachent
ceux qui se perdent
ceux qui se blessent
ceux qui se lovent en eux-mêmes
à l'embranchement des deux rivières
il est un lieu pour les amants échus
ceux qui dévorent
ou se protègent
ceux qui oublient
ceux qui se taisent
à l'embranchement des deux rivières
il est un lieu pour les enfants déchus
qui se souviennent
qui abandonnent
qui parlent fier
qui se bétonnent
à l'embranchement des deux rivières
il est un lieu
où il n'est plus personne.
中文 :
在某處
靠近月亮之地
在兩條河流的交會處
有一個地方屬於凋零的戀人們
那些躲藏的人
那些迷失的人
那些受傷的人
那些蜷縮於自身之中的人
在兩條河流的交會處
有一個地方屬於凋零的戀人們
那些吞噬他人的人
或那些自我保護的人
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17 06 2025
Flying fish
exulting in the dark
fish I never tire of watching
you're free to vanish from my sight
- docked at the quay.
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02 04 2025
Ne compte pas sur moi pour écrire un poème
Pour te dire que que je t'aime, que je souffre, que je suis méprisé.
Ne compte pas sur moi pour la jouer romantique, éploré,
Au cœur pur, abandonné.
Ne compte pas sur moi pour faire de la philosophie,
De la psychologie, de la religion,
Pour te manipuler, pour te convaincre, pour argumenter,
Pour te faire la leçon,
Pour me la faire à moi aussi,
Qui suis un bourreau et une victime,
Et toi aussi une victime et un bourreau
- et qu'est-ce qu'on se perd là dedans, c'est infernal -
Ne compte pas sur çà, non, je n'en ferai rien,
Ne compte pas, rien rien rien!
Et au milieu de mes malédictions,
Alors que je criais du plus profond du coeur,
Paumé dans le hall de la gare où défilaient les bandes de voyageurs,
Une femme est entrée avec un sourire de banane aux lèvres,
Elle le tendait en offrande à son petit nourrisson de blondinet.
Et lui il lui rendait.
Et il y avait ces deux auréoles d'ange
Qui luisaient dans la file au ton gris qui peinait devant l'escalator.
Et c'est alors que le baiser des anges s'est posé sur mon visage à moi aussi,
Comme un cerf-volant qui se serait égaré à une dizaine de mètre de là,
Vers moi, je ne sais pas pourquoi, moi, le vent l'avait envoyé par là,
Pourquoi?
Tout d'un coup, j'ai arrêté de broncher,
Mon fors intérieur a cessé de gueuler. Il était 14h17.
J'ai rien compris.
Le plus malheureux des hommes noyé dans ses romances
A senti le sourire de béni-oui-oui plonger ses racines au coeur
Comme une petite chartreuse qu'on gobe et qui descend
Et qui réchauffe, et qui illumine.
Et ce fût là le premier vrai sourire de la journée.
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Eté 2010
Nous n'avions pas assez d'espace
dans ce monde
Alors nous aurions aimé nous fondre l'un dans l'autre
pour nous effacer
Ou projeter des mots
pour écarter les murs
Nous n'avions pas assez de place pour nous voir
Ou même pour des caresses
Pas même ouvrir la gorge
Nous n'avions que
le silence fugitif en tout
Le silence dans la mûre sauvage
Le silence dans la rose qui désire
Le silence sur le mur blanc qui attend
Le silence où demeurait un chant
Qui petitement
Ouvrait un espace
(Et çà faisait mal,
çà faisait mal)
Tu l'as sentie pourtant
Tu l'as reconnue
La poussée de l'arbre
Tu en as aimé le tronc
sans en palper la sève
Tu as aimé
Tenue par la promesse de l’arbre
Pousser
Aimer
Grandir
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03 2009
 
Toujours serai celui qui a failli.
Toujours sentirai la crevasse attirer,
Toujours consentirai à n'être
le visage inondé de joie.
Toujours être fidèle à la tristesse.
Toujours consentir à ton sourire caché derrière les larmes,
Quand Tu interroges :
“Tu ne pouvais pas...?”
Toujours, nous regardant, sans réponse,
effarouchés,
une lointaine lueur comique au fond de la pupille,
Ton visage d'icône.
Toujours, malgré tout, ce secret
qui fait que le printemps revient, et d'avantage
Toujours le Chant qui persiste et la poursuite de l'amour.
Toujours des dépassements.
 
Et la question :
Ce grand départ,
était-ce pour plus vaste encore?
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2003
Use ta rancune sur les cailloux du chemin,
use, dans la journée d'été
dont tu ne goûtes rien.
Et ta marche honteuse, et ton regard fier,
tes mains gauches crispées, ton pied qui n'avance pas,
traîne-les avec toi!
Use ta rancune sur les cailloux du chemin...
Et si ce que tu vois,
du bout de tes souliers à la cime des arbres,
et jusqu'au ciel immensément bleu,
c'est ta faute triste, incommensurable,
avance encore un peu...
Use ton amertume sur les cailloux du chemin,
use, dans la journée d'été
dont tu ne goûtes rien.
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2006
Si j'ai pris un mauvais chemin
j'y ai laissé quelques pierres
et tu me retrouveras
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2006
Nous vivons comme des gens abandonnés
et voulons vivre comme des gens qui s'abandonnent
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2004
Chassés du paradis?
Mon amie mon enfant
amuse-moi un peu
donne-moi quelque chose
que je sois un peu moins abêti
détourne-moi un moment du secret de notre inutilité
ce sera comme un jeu
tu le sauras aussi sans le dire ce secret
on jouera au fond d’une pièce sur le sol comme des enfants un après-midi
sur l’épaule la journée qui dure et l’ombre qui s’allonge
c’est silencieux et seulement quelques rires
sachant et riant tout de même
j’observerais tes mains
et voudrais te les prendre
comme un enfant tu as peur de ce désir
moi aussi j’aurais peur
on ne se touche pas
seuls dans la maison du souvenir
les images sont des ruines les murs de petits monstres
on attend sans attendre
on est un oeil lucide
qui s’empêche de voir
juste un peu juste un peu
que tout ne s’écroule
secret doux
secret
que nous sommes nus
que nous sommes inutiles