Nicolas Drouet 蘇毅
Light Tenor / Chanson Singer
A lyrical artist and Chanson singer, trained notably under Jean-Philippe Courtis (École Normale de Musique, Paris) and Robert Dumé (CNSMDP, Paris), Nicolas Drouet first received early training as an actor from several prominent figures in public theater in France (Isabelle Sadoyan, Christine Gagneux, Jean-Paul Wenzel, Roland Bertin). He graduated from the National Regional Conservatory of Amiens in 2016, having won first prize unanimously at the International Operetta Competition in Marseille in 2014 in the duet category. He also holds a degree from Sciences Po Lyon (IEP - University Lyon 2).
After a career as an actor and tenor in France between 2010 and 2016, he moved to Taiwan. In 2017, as an actor, he played the title role in the production of The Soldier’s Tale by Stravinsky, presented at the NTCH as the opening performance of the TIFA festival. Since then, he has performed as a singer, focusing primarily on the French music repertoire (French Art songs and Chanson). He regularly performs alongside guitarist Roberto Zayas and accordionist Vincent Tsai (蔡偉靖). He also gives lectures and masterclasses at universities and for cultural associations, particularly on the theme of French chanson and music in general.
Currently a lecturer in the French Department of Tamkang University, after several years in the French Department at National Central University (Taoyuan), Nicolas Drouet also teaches in the Music Department of Soochow University (Taipei) and the French Department at Chinese Culture University. He teaches oral and stage expression, acting, diction for singing, French music, and French philosophy.
Youtube : @DrouetNicolas
Nicolas Drouet 蘇毅
Ténor
Artiste lyrique, formé notamment auprès de Jean-Philippe Courtis (École Normale de Musique, Paris) et de Robert Dumé (CNSMDP, Paris), Nicolas Drouet a également reçu très tôt une formation d'acteur auprès de plusieurs grandes figures du théâtre public en France (Isabelle Sadoyan, Christine Gagneux, Jean-Paul Wenzel, Roland Bertin). Diplômé du Conservatoire National Régional d'Amiens (2016), il a obtenu le premier prix à l'unanimité au Concours International d'Opérette de la ville de Marseille en 2014 dans la catégorie duo. Il est également diplômé de Sciences Po Lyon (IEP - Université Lyon 2).
Après une carrière d'acteur et de ténor en France entre 2010 et 2016, il s'est installé à Taïwan. En 2017, en tant qu'acteur, il a le rôle titre dans la production de L'Histoire du Soldat de Stravinsky, présentée au NTCH en ouverture du festival TIFA. Depuis, il se produit surtout co mme chanteur, principalement dans le répertoire de la musique française (mélodie et chanson française). On l'entend chanter régulièrement aux côtés du guitariste Roberto Zayas et de l'accordéoniste Vincent Tsai (蔡偉靖). Il donne également des conférences et masterclasses dans des universités ainsi que pour des associations culturelles, en particulier sur le thème de la chanson et de la musique française en général.
Actuellement chargé de cours au département de français de l'Université Tamkang, après avoir oeuvré pendant plusieurs années au département de français de l'Université nationale centrale (Taoyuan), Nicolas Drouet enseigne également au département de musique de l'Université Soochow (Taipei) et au département de français de l'Université de la Culture Chinoise. Il y enseigne l'expression orale et scénique, le jeu d'acteur, la diction pour le chant, la musique française et la philosophie française.
Youtube : @DrouetNicolas
La voix, chemin de traverse
Au départ, on se dit qu’il a dû se passer quelque chose. On évoque le monde mythologique forgé dans l’enfance : on se crée de petits théâtres de marionnettes, on improvise de mini-scènes de spectacle sur des cheminées bourgeoises, on est fasciné par les gitans qui installent leur chapiteau de cirque sur la place de l’école, on arrive aux pieds de la maîtresse déguisé en clown, on se fait renvoyer de classe, on chante à tue-tête dans son lit-cabane qui plane à un mètre du sol et qui en semble cinquante.
Les parents, eux, sont arrimés au sol, la tête dans le guidon. Dans sa chambre-refuge, on transperce le plafond de ses chansons, de ses rêves et de sa beatbox. On arrive à se convaincre qu’on n’est pas vraiment de ce monde. On est présomptueux : on se dit qu’on ne risque rien, haut-perché dans son abri.
À dix ans, on est pris pour un zozo, mais considéré tout de même : débarquent dix recueils de poèmes, dix petits tomes illustrés offerts le même jour par plusieurs membres de la famille. Les pages jauniront au fil des déménagements mais les poésies rajeuniront au fil des ans, telles des marguerites qu’on n’a jamais fini d’effeuiller.
À quinze ans, on traîne avec Rimbaud, Kerouac, Cioran, Gurdjieff, Cage, les poètes soufi, les vagabonds bouddhistes, les mystiques chrétiens.
À dix-huit, on veut en être : aventurier du ciel! On rumine quelques années et puis chiche : on se fait moine! On porte l’habit pendant huit ans, on chante le ciel matin, midi et soir; on vit un peu en Afrique, un peu en Europe du nord.
On se dit que c’est bon : le sommet de l’idéalisme a été atteint, les profondeurs métaphysiques de l’existence ont été percées.
Et puis blang : un deuil. Puis un second. Puis un troisième. Puis un quatrième. Deux meurtres. En quatre ans.
“Chanter la beauté de l’âme humaine!”
…disait mon maître spirituel, qui m’encourageait à chanter.
Il est égorgé à l’été 2005, à l’heure de la prière.(1)
Dans le sanctuaire, les voix ont eu le souffle coupé.
“Le chant ouvre des espaces en dehors de l’espace”
La gorge, c’est le sanctuaire de la voix. C’est l’écrin dans lequel se logent ces fins muscles ligamentaires qu’on appelle “cordes vocales”. D’une élasticité et d’une puissance folles, elles vibrent et c’est alors que non seulement le son, mais le corps se dilate. C’est tout le contraire d’un repli sur soi. Il y a un mot en hébreu, tsarah צָרָה , qui signifie à la fois “resserrement” et “angoisse”. Chanter, au contraire, c’est élargir. Une gorge qui s’ouvre, c’est un pont-levis qui se baisse entre la tête et le tronc, entre le haut et le bas, entre le mental et les pulsions. Corps-esprit. Mort-vie. Chanter, c’est la possibilité d’une joie et d’un dépassement - Chanter est si proche du rire -. “Le chant ouvre des espaces en dehors de l’espace.” (Eugène Guillevic) (1).
Les personnes que j’ai perdues avaient un lien privilégié avec la voix, avec la musique. Ma mère était orthophoniste et bonne choriste, mon grand-père, altiste de bon niveau et fils de collectionneur d’instruments; mon “maître spirituel” était obsédé par le chant qu’il me poussait à pratiquer chaque jour.
Finissant par perdre pied dans ma vie monastique, je décide de devenir chanteur. Je prends le nom de ma mère et suis des cours réguliers avec plusieurs professeurs du Conservatoire de Paris (CNSMDP) et de l’École Normale Alfred Cortot. Comme j’ai la trentaine, impossible d’envisager des études dans un de ces établissements prestigieux. Je prends les chemins de traverse : je poursuis tous les professeurs de chant que je peux, me case dans une classe de Lied et de mélodie au conservatoire municipal de Paris, je finis par suivre un cursus complet au Conservatoire régional d'Amiens. J’y obtiens mon diplôme dans la classe de Jean-Philippe Courtis, professeur à l’École Normale.
Premiers concerts. Je chante avec un ensemble qui s’appelle Les Cris de Paris (Georffroy Jourdain). Et d’autres. Musique contemporaine, oratorio, mélodie, opérette. Je joue un peu la comédie. En 2016, j’arrive à Taïwan, ce pays si original, si étonnant et si accueillant. Là, il est bien difficile de prononcer mon nom (“Nicolas Drouet”). Tant pis : je serai “Ni-co-la”!
La voix, conquérante et fragile
La voix est l’instrument idéal : le moins onéreux, le plus léger à transporter en voyage et le plus proche de l'âme humaine. La voix dit l'ambivalence de nos vies. Elle surgit de la détresse vécue au sortir du ventre maternel : le traumatisme du premier contact avec cette grande masse d’air qui fait irruption soudaine dans nos poumons étriqués. Mais la voix nous extirpe également de cette douleur : c’est par elle que nous appelons au secours, que nous émettons nos premiers babils, que nous nous en délectons, que nous nous approprions peu à peu notre respiration, nos mouvements, nos souffrances et nos maladresses.
La voix est conquérante et elle puise dans notre vulnérabilité. Entendre une voix, c'est percevoir le mystère d'une personne qui cherche son chemin entre fragilité et puissance.
Le travail de la voix engage au dépassement ainsi qu’à l’enracinement. Développer sa voix, c’est tendre vers le ciel, mais c’est aussi s’arrimer fermement au sol. C’est être léger et lourd à la fois.
Une voix est toujours exposée. Ultra-sensible, elle s’imprègne du monde qui l’entoure. L’entendre, écrit Christian Bobin, c’est entendre le monde à travers elle : “Les voix sont ce trésor que les gens vous donnent, même les avares. (…) Car une voix, ce n’est pas que le souffle, les paroles, ni même les silences. Une voix, c’est le monde repeint par la personne.” (2)
Et la voix se partage. En Asie, il y a une vraie attirance pour le double répertoire de la “mélodie française” (Fauré, Ravel, Debussy, Poulenc etc) et de la “chanson française”. La chanson, je l’avoue, n’était pas à l’origine mon répertoire de prédilection. Mais chanter Piaf, Trenet, Brel, Greco, Gainsbourg et d’autres, apporte tellement de joie. Au public, et finalement à moi-même. J’ai rédécouvert ces chansons avec une oreille nouvelle et désormais je les chante et les enseigne régulièrement. Merci à l’enthousiasme et à l’intelligence du public taïwanais d’avoir permis cela.
La voix peut donner élan et sens à une vie.
(1) Le Monde – “Frère Roger a été tué lors d’une agression à Taizé” (08/17/2005)
(2) Le chant, in Art poétique, NRF, Poésie/Gallimard, 2001.
(3) Pierre, Gallimard, 2019.
The Voice: A Journey off the beaten path
A surge for Life
At the beginning, you tell yourself something must have happened.
You recall the mythological world shaped in childhood:
puppet theatres built by hand,
mini-shows improvised on bourgeois mantelpieces,
fascination with gypsies raising their circus tent in front of the schoolyard,
arriving at the teacher’s feet dressed as a clown,
getting sent out of class,
singing your lungs out in a cabin bed that hovered one metre off the ground but felt like fifty.
Meanwhile, the parents stayed grounded, heads down, absorbed in their existence.
In the refuge of your room, you pierced the ceiling with songs, dreams, and beatbox.
You convinced yourself you didn’t quite belong to this world.
You were presumptuous, certain that high up in your imaginary shelter, nothing could touch you.
At ten, you were taken for a misfit—yet still considered: ten volumes of poetry landed in your hands, illustrated tomes offered on the same day by several family members. Their pages yellowed with each move, but the poems grew younger with the years, like daisies you’ve never finished plucking.
At fifteen, you kept company with Rimbaud, Kerouac, Cioran, Gurdjieff, Cage, with Sufi poets, Buddhist wanderers, Christian mystics.
At eighteen, you wanted in: a sky adventurer!
A few years later, you dared: monkhood.
You wore the habit for eight years, sang the heavens morning, noon, and night, lived a little in Africa, a little in northern Europe.
You told yourself: that’s it.
The summit of idealism had been reached, the metaphysical depths of existence pierced.
And then—bang.
One bereavement.
Then another.
A third.
A fourth.
Two murders in four years.
“Sing the beauty of the human soul!”
So said my spiritual master, who urged me daily to sing.
He was murdered by having his throat cut in the summer of 2005, during the hour of prayer.
In the sanctuary, the voices fell silent. (1)
“The song opens spaces beyond space.”
The throat is the sanctuary of the voice.
The casket where the vocal cords rest—fine ligament muscles, elastic and powerful.
When they vibrate, not only does sound emerge, but the whole body expands.
The opposite of withdrawal.
There is a word in Hebrew, tsarah צָרָה, which means both “narrowness” and “anguish.”
Singing is the reverse: widening, opening.
An opening throat is a drawbridge lowering between head and torso,
between mind and impulse.
Body and spirit.
Death and life.
Singing makes joy possible, transcendence possible.
Singing is so close to laughter.
“The song opens spaces beyond space.” (Eugène Guillevic) (2)
A Life’s Path
The people I lost all had a bond with voice, with music.
My mother was a speech therapist and a fine chorister.
My grandfather, a skilled violist and son of an instrument collector.
My “spiritual master” was obsessed with song, urging me to practice every day.
Losing ground in monastic life, I chose to become a singer.
I took my mother’s name, studied regularly with professors from the Paris Conservatoire (CNSMDP) and the École Normale de Musique.
But in my thirties, it was impossible to enrol in those prestigious schools.
So I took the side roads: chased down every teacher I could, slipped into a Lied and mélodie class at a Paris municipal conservatoire, eventually pursued a full course at the Regional Conservatoire of Amiens.
I earned my diploma there, under Jean-Philippe Courtis, bass and professor at the École Normale.
First concerts.
I sang with an ensemble called Les Cris de Paris (Geoffroy Jourdain).
And with others.
Contemporary music, oratorio, mélodie, operetta.
A little acting.
In 2016, I arrived in Taiwan—a country so original, surprising, and welcoming.
Here, my name (“Nicolas Drouet”) proved unpronounceable.
Never mind: I became “Ni-co-la”!
The Voice, Conquering and Fragile
The voice is the perfect instrument:
the cheapest,
the lightest to carry,
the closest to the human soul.
The voice tells the ambivalence of our lives.
It bursts from the distress of birth—the trauma of that first rush of air into narrow lungs.
But the voice also rescues us from that pain:
it lets us cry out,
babble,
taste sound,
and slowly claim our breath, our movements, our clumsiness, our wounds.
The voice conquers, yet draws from our vulnerability.
Hearing a voice is perceiving the mystery of a human being seeking a path between fragility and power.
Working on the voice demands both transcendence and grounding.
To develop one’s voice is to stretch toward the sky, while anchoring firmly to the earth.
To be light and heavy at once.
This is how we seek our centre.
A voice is always exposed.
Ultra-sensitive, it absorbs the world around it.
To hear it, wrote Christian Bobin, is to hear the world through it:
“Voices are that treasure people give you, even the stingy ones. (…) For a voice is not only breath, or words, or even silences.
A voice is the world repainted by the person.” (2)
And the voice is also about sharing.
In Asia, there is a certain attraction to the dual repertoire of French mélodie (Fauré, Ravel, Debussy, Poulenc, etc.) and French chanson.
Chanson, I admit, was not at first my repertoire of choice.
But singing Piaf, Trenet, Brel, Gréco, Gainsbourg, and others brings joy—to the audience, and, ultimately, to me.
I rediscovered these songs with fresh ears, and now I sing and teach them regularly.
Thanks to the enthusiasm and intelligence of the Taiwanese audience for making this possible.
The voice can give drive and meaning to a life.
(1) Le Monde – “Frère Roger a été tué lors d’une agression à Taizé” (08/17/2005)
(2) Le chant, in Art poétique, NRF, Poésie/Gallimard, 2001.
(3) Pierre, Gallimard, 2019.